C’est notre troisième portrait, et pour cela nous sommes très fières de recevoir Serge Guérin, sociologue et spécialiste de l’étude des questions liées aux styles de vie des personnes de plus de 50 ans. Serge Guérin décrit une vision positive et réaliste sur les nouveaux comportements des seniors et leur influence sur le modèle économique.
Son dernier livre « Les Quincados », édité chez Calmann-Lévy, montre comment notre génération issue du papy-boom évolue, sait donner du sens à son avenir avec des projets ambitieux et authentiques. Une vision moderne et pleine d’énergie loin de l’image traditionnelle du senior, de la crise déprime de la cinquantaine…
Et totalement dans le vent ! On vous le recommande !
C’est une grande chance pour notre site d’accueillir Serge Guérin et de recueillir quelques mots pour tous nos abonnés. Merci beaucoup Serge.
Qui sont les quincados en 2019 ?
SG : Ce sont environ 40% des 15 millions de personnes, majoritairement des femmes qui ont entre 45 et 64 ans et pour qui l’âge n’est ni un drame, ni un choc, ni une donnée à nier et à oublier. Ce sont des adultes qui sont restés jeunes dans leur tête, mais aussi dans leur corps, leur coeur et leur âme. Des adultes très jeunes mais qui ont une histoire derrière eux.
D’une certaine manière, je les représente comme une génération rebond qui a pu connaitre des difficultés rudes et lourdes, comme la séparation, la perte d’un compagnon ou d’une compagne, la case chômage… Mais qui ne s’en laisse pas compter et qui veut croire à ses rêves, se donner les moyens de vivre les années qui viennent pleinement.
Les quincados savent que la vie peut être tragique, mais savent aussi qu’ils ont, que nous avons, une chance unique d’avoir devant presque la moitié d’une vie à vivre encore. C’est génial tout de même !
Quelles sont leurs aspirations ?
SG : C’est une génération anti routine. Des femmes et des hommes qui refusent la fatalité et le procès en prise d’âge. Les quincados connaissent les responsabilités, par exemple vis-à-vis d’enfants, voire de petits-enfants, comme de parents, mais ils aspirent aussi à vivre pour et par eux-même. Ce n’est pas de l’égoïsme mais un individualisme mesuré. Beaucoup m’ont dit qu’ils avaient eu le sentiment d’avoir coché toutes les cases (enfants, étude, job…) sans toujours avoir véritablement choisi.
Aujourd’hui, autour de la cinquantaine ces femmes et ces hommes veulent prendre leur destin en main. J’en ai rencontré par exemple dans le master que je dirige à l’Inseec qui à un âge où d’autres, où leurs aînés, auraient pensé à la retraite, décident de refaire une formation Bac+5 pour changer d’orientation, trouver un job qui a du sens, choisir une nouvelle voie professionnelle… La volonté de décider de sa vie se retrouve bien évidemment concernant la vie de famille, l’amour, le sexe… Dans mon enquête et dans des travaux précédents que j’ai pu mener, il me semble que les femmes ont souvent une personnalité plus quincado que les hommes. Mais bien évidement, on trouve aussi beaucoup d’hommes dans les rangs des quincados !
En fait, il s’agit d’une population, souvent bien formée et éduquée, pas toujours aisée, qui connaît la valeur de la vie.
Comment expliquez-vous ce changement ?
SG : Il y a au moins trois grandes raisons.
D’abord la prise de conscience de l’allongement de la vie. Nos parents ont découvert cela en l’expérimentant, les quincados le savent, ne serait-ce qu’en voyant ses propres parents vieillir. Du coup, ils se disent qu’ils ne peuvent pas nécessairement attendre que la vie passe.
Ensuite, une réalité objective : nous avons gagné collectivement une quinzaine d’années non seulement d’espérance de vie mais aussi de qualité de vie, de forme, de santé, d’aspect physique… Avoir 50 ans en 2019, c’est avoir 35 ans, en 1979 !
Enfin, une hypothèse sociologique : les générations ne se ressemblent pas. Elles n’ont pas vécu la même chose, n’ont pas les mêmes aspirations, mode de vie et désirs. Les quincados sont plus proches des trentenaires que de leurs parents, en termes de style de vie. Les femmes, en particulier qui subissent une pression sociale et normative plus rude, vivent une double peine avec l’avancée en âge. Les femmes quincados se libèrent largement de cette pression, car elles sont plus en capacité de s’affirmer. Sur tous les plans !
Et par ailleurs, jamais il n’y a eu autant de réciprocité entre les générations qu’aujourd’hui. C’était le thème d’un livre que j’avais co-écrit avec un philosophe, il y a trois ans : « La guerre des générations aura-t-elle lieu ? ». Et bien non elle n’a pas eu lieu ! Et les mouvements sociaux récents le prouvent.
En quoi les quincados influencent-ils l’économie ?
SG : Peut-être que pour la première fois, la tendance se fera en grande partie non seulement par les jeunes, mais aussi par les quincados qui, justement, restent novateurs et attentifs à la consommation. Ils attendent des produits qui génèrent plus de sens, qui offrent plus de liberté et qui permettent de se réaliser. Les quincados sont une génération née dans la culture du service. Ils en redemandent !
Mais, ils veulent aussi des produits qui leur permettent de valoriser leur capital santé et forme, et aussi leur capital cognitif, culturel et de connaissance. Ils sont très sensibles aux médecines alternatives ou complémentaires. Ils valorisent leur capital relationnel car les quincados cherchent aussi le lien social, l’utilité et le partage.
Les quincados sont aussi particulièrement attentifs aux enjeux environnementaux et tendent à consommer différemment : moins mais mieux.
En écrivant votre livre, avez-vous rencontré un ou une quincado qui vous aura marqué(e) ? Pouvez-vous nous en dire plus ?
SG : Beaucoup de mes étudiants m’ont marqué. Je pense à cette quincado, infirmière de formation qui à 55 ans a repris ces études. C’était pour elle quelque chose de très important, sur le plan professionnel bien sûr ; mais aussi sur le plan personnel. Elle avait élevé seule ses deux enfants et un jour en découvrant sa note m’a dit qu’elle allait appeler tout de suite sa fille et sa petite fille ! En fait, les trois générations étaient en formation et chacune frimait auprès des deux autres dès qu’elle avait une bonne note !
On partage tout, secrets et sourires…
Quel est votre livre de chevet ?
La correspondance Camus – Maria Casares, publiée il y a deux ans par Gallimard. Une histoire d’amour magnifique, des textes d’une puissance incroyable ; Une évidence entre eux émouvante. Récemment, Le Lambeau de Philippe Lançon. Et puis en boucle, Sagan, Bernard Franck et Duras !
Quel est votre petit plat incontournable ?
Je suis le spécialiste mondial de la bouillie au chocolat ! Je suis même partie des 80 personnes qui ont contribué à un très beau livre de recettes « Affaires de Goût », par Camile Labro, aux éditions du Rouergue. Je suis extrêmement gourmand, plutôt sucré, et surtout chocolat, que salé. Je ne mange pas de viande depuis 15 ans, mais je peux craquer pour des sardines ou des harengs ! Et traverser une ville pour trouver la bonne pâtisserie qui proposera des religieuses au chocolat d’anthologie ! Ou des flans crémeux et des Paris-Brest aériens.
Quel est votre petit rituel préféré en vacances ?
M’attabler à la terrasse d’un café, demander un cacolac, prendre le soleil, discuter tranquillement avec les amis comme avec les voisins… Sentir et profiter du moment présent. Rendre le moment aussi présent que possible.
Avez-vous un petit secret de bien-être ?
Le sentiment amoureux est certainement une des clés du bien-être. Sentir son corps aussi. Je pratique la course à pied pour cette raison. Une façon aussi de découvrir des villes, des villages ou des paysages.
Voulez-vous bien adresser une dédicace à nos quinquas dans le vent ?
Vivre en quincado c’est prendre le risque des ennuis que de l’ennui ! La vie s’allonge ? Profitons-en pour avoir plusieurs vies !
Pour mieux connaître Serge
Serge est un sociologue et un consultant. Il est professeur dans une école de management, l’INSEEC SBE. Il est aussi conférencier et vous pouvez déjà réserver les dates dans votre agenda :
- Agde : vendredi 12 avril
- Paris : 23 avril
- Nantes : 17 mai
- Valence : 21 mai
Pour en savoir plus :
• Les quincados, Calmann-Lévy 2019
• « La Silver économie », La Charte 2018
• « La guerre des générations aura-t-elle lieu ? », Calmann-Lévy 2017
• « Eloge politique du chocolat », Lemieux Editeur 2015
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